En cuisine japonaise, il y a un plat qui occupe une place toute particulière dans le cœur des Nippons : le curry. Loin de son cousin indien, le curry japonais, dit « Kare Raisu » de l’anglais « Curry Rice », se distingue par sa douceur et ses allures de ragoût. Il s’adapte à toutes les saisons et se décline sous toutes les formes. Tantôt accompagné de riz, parfois de nouilles, et même utilisé comme farce pour les « kare pan » (un pain au curry).

Cependant, cet article ne se concentrera pas sur ce plat emblématique, mais plutôt sur un condiment largement sous-estimé qui l’accompagne : le Fukujinzuke 福神漬け. Initialement composé de 7 légumes et épices, c’est en réalité bien plus que 7 ingrédients dont on parle. Il se compose de : l’aubergine, le concombre, la racine de lotus Renkon, le radis daïkon, le champignon shiitake, les haricots blancs ou rouges, et le gingembre. On trouve de nos jours des variantes qui se sont définie selon les époques et les régions.

En somme, ce condiment est un mélange de légumes marinés à la saveur piquante et acidulée. Complètement végétarien, il a même un jour qui lui est dédié, le 29 juillet. On en dépose une bonne cuillère sur les plats de curry, où il est généralement servi gratuitement, d’ailleurs.

Mais de quoi se compose le fukujinzuke exactement ? Quelle est l’histoire derrière ce condiment ? Quelles sont les traditions qui l’entourent ? Et surtout, comment réaliser un fukujinzuke japonais traditionnel ? Et comment l’adapter à ses goûts et aux saisons ?

Je vais tout vous expliquer sur ce condiment de légumes marinés qui changera à la fois le goût et l’apparence de votre curry japonais.

Fukujinzuke, un condiment ?

Le Fukujinzuke, ce condiment, se dresse fièrement au panthéon des tsukemono (漬物), ces délices marinés typique de la cuisine japonaise.

On appelle Tsukemono, des légumes crus ou cuits marinés dans du vinaigre ou saumuré au sel. Au même titre que les « pickles ».

C’est littéralement l’acolyte inséparable du curry japonais, une véritable institution qu’on déguste à la cadence d’une fois par semaine au Japon ! Le Kare Raisu, avec son histoire d’origine étrangère, a réalisé un véritable tour de magie culinaire pour conquérir les tables japonaises.

Avec sa texture qui craque sous la dent et sa saveur qui oscille entre piquant et acidulé, le Fukujinzuke vient équilibrer la richesse d’un bon plat de Kare Raisu. Ce n’est guère surprenant quand on pense à nos propres traditions, où cornichons vinaigrés côtoient charcuterie et fromage à raclette, dans un mariage de goûts aussi audacieux que délicieux.

Le Fukujinzuke nous invite à un véritable voyage culinaire. Si la douceur du curry japonais t’est familière, alors découvre-le sous un nouveau jour avec ce condiment. Et si le Kare Raisu reste encore une énigme pour toi, laisse-moi te guider vers la découverte d’un plat indémodable et savoureusement gourmand.

4 ingrédients piliers du fukujinzuke

Les 4 piliers du fukujinzuke

La recette traditionnelle du fukujinzuke est un véritable arc-en-ciel de saveurs. Elle s’appuie sur 7 ingrédients clés : l’aubergine, le concombre, la racine de lotus Renkon, le radis daïkon, le champignon shiitake, les haricots blancs ou rouges, et le gingembre.

Avec le temps et sous l’influence des spécialités régionales, cette recette a connu de nombreuses variations. Cependant les quatre piliers végétaux – l’aubergine, le concombre, la racine de lotus et le radis daïkon – restent généralement au cœur de chaque variation.

Les autres ingrédients du fukujinzuke

Les champignons shiitake et le gingembre, devenus populaires, se trouvent désormais facilement dans les commerces, enrichissant la palette de saveurs. Quant aux haricots, ils laissent parfois leur place à des invités surprenants. Ainsi l’algue kombu, le shiso ou les graines de sésame se retrouve au sein de la recette.

Malgré ces variations, la recette de base reste inchangée. Même lorsque le condiment apparait sous des teintes de rose violet ou rouge. Ce résultat s’obtient grâce à l’utilisation astucieuse de la betterave. Cette touche de couleur apporte une esthétique saisissante à n’importe quel plat de curry.

Pour concocter un fukujinzuke, on mélange ensuite les condiments fondamentaux de la cuisine japonaise : du sucre, du sel, du soja, du vinaigre, ainsi que de l’alcool de riz tel que le mirin et le saké. Cette mixture, une fois cuite, se transforme en une sorte de caramel dans lequel les ingrédients cuits sont conservés.

Ingrédients des 7 divinités

Fukujinzuke, Les 7 divinités du bonheur

Selon l’endroit où tu te trouves, le nom de ce condiment peut varier légèrement. Dans le Kansai ou à Hokkaido, on le nomme « Fukushinzuke », alors que presque partout ailleurs, on l’appelle « Fukujinzuke ».

Le terme « Fuku » 福神 évoque les « shichi fukujin » 七福神, les « 7 divinités du bonheur », des figures emblématiques de la mythologie japonaise, probablement inspirées par la mythologie bouddhiste d’origine indienne.

  • 七 « shichi »  traduit le chiffre 7 qui est un nombre porte-bonheur ;
  • 福 « fuku » signifie « bonne fortune » ;
  • 神 « jin » prend ici le sens de « divin ».

Quant au suffixe « zuke » 漬け, il tire son origine du verbe japonais « tsukeru » 漬ける, qui signifie « mariner ».

Fukujinzuke dans bocal et sac congélation

Le condiment inspiré des divinités

Parmi les 7 divinités de la bonne fortune de la mythologie japonaise apparues à l’ère Muromachi au 14e siècle, on trouve :

  • Ebisu, le protecteur bienveillant des pêcheurs et des marchands, symbole de prospérité, veille sur les eaux et les commerces avec une main généreuse.
  • Daikokuten (ou Daikoku), la divinité souriante de la richesse, du commerce et des échanges, garantissant abondance et succès dans les affaires.
  • Bishamonten, le vaillant défenseur des guerriers, gardien de la loi bouddhique, qui apporte prospérité et protection.
  • Benzaiten (ou Benten), la muse céleste du savoir, de l’art et de la beauté, dont l’éloquence, la musique, et la littérature inspirent toutes les sphères de la créativité.
  • Fukurokuju, le sage au front haut, symbole de bonheur, richesse, longévité, virilité et sagesse, guide les esprits vers l’harmonie.
  • Hotei, l’incarnation de l’abondance, de la bonne santé, du contentement, apportant joie et prospérité dans son large sourire.
  • Jurôjin, le patriarche de la longévité et de la prospérité, qui partage son savoir pour une vie longue et épanouie.

Parfois, Kichijôten, divinité de la richesse et des désirs réalisés, s’invite parmi eux, ajoutant une couche supplémentaire de magie à ce panthéon déjà riche.

Les divinités sont souvent représentées sur un navire appelé Takara Bune 宝船, le navire des trésors. Il est dit qu’il navire dans les ports la veille du nouvel an apportant espoir et promesse de bonheur pour l’année à venir.

La coutume des 7 divinités

Le Japon, très attaché aux traditions et au renouveau à la fois, pratique le « Hatsuyume » ce que l’on pourrait traduire par « premier rêve ». Durant la nuit du 1e au 2 janvier ou du 2 au 3, le rêve que vous faites devrait devenir réel. Et pour mettre les chances de son côté, on glisse une image du Takara Bune sous son oreiller accompagnée d’une prière.

En cas de mauvais rêve, on peut laver l’image et le texte directement dans l’eau claire de la rivière ou brûler le tout et ainsi changer son destin.
D’un manière générale, on peut prier ces divinités dans les temples et sanctuaires pour se donner de la chance ou faire le pèlerinage des shichifukujin au début de l’année.

Ingrédients pour recette fukujinzuke

Recette du Fukujinzuke

Ingrédients pour 1 grand bocal :

  • Radis daïkon : Un morceau de 8 cm + 1 CAC de sel

  • Racine de lotus Renkon : Un morceau de 8 cm ou 1 grosse carotte + 1 CAS de vinaigre de riz

  • Aubergine : ½ légume

  • Concombre : ½ légume

  • Gingembre : un morceau de 3 cm

  • Champignon Shiitake : 3 pièces

  • Sesame : 2 CAS

  • 1 CAC de sel

Optionnel :

  • Haricot : une poignée
  • Shiso : 4 feuilles
  • Algue kombu: Un morceau de 8 cm

    Pour la marinade 

    • 125 gr de sucre

    • 125 cl de sauce soja

    • 125 cl de mirin

    • 125 cl de saké

    • 65 cl de vinaigre de riz

    Temps de préparation: 20 Minutes

    Niveau de difficulté: 💪🏼 Facile

    Equipement nécessaire

    Bocal

    Plusieurs saladiers

    Etapes de la recette

    Préparer les ingrédients:

    Epluchez la racine de lotus et la coupez deux puis en quatre. Vous devez obtenir des petits morceaux, des quarts de lotus d’environ 4 mm de largeur maximum. Laissez reposer le lotus dans un saladier d’eau avec 1 CAS de vinaigre pendant 15 min.

    Epluchez et coupez le radis en petits morceaux de la même manière que le lotus. Plongez le dans un saladier avec 1 CAC de sel. Laissez reposer pendant 15 min.

    Coupez l’aubergine et le concombre à la manière du radis et du lotus. Il n’est pas nécessaire d’épépiner le concombre. Déposez les morceaux dans une boite et recouvrez de sel. Laissez reposer pendant 15 min.

    Coupez les champignons shiitaké en petits morceaux de quelques millimètres. Dans mon cas, j’ai utilisé des champignons déshysdratés mais si vous trouvez des frais, c’est mieux. Coupez le gingembre après l’avoir épluché en petits bâtonnets.

    Pressez les légumes dans vos mains pour en retirer l’excédent d’eau.

    Racine de lotus et vinaigre pour fukujinzuke
    Radis daikon et sel
    Courgette et aubergine coupés
    gingembre et shiitake pour fukujinzuke

    Préparer la marinade:

    Dans une casserole, faites chauffer le sucre, la sauce soja, le mirin, le saké et le vinaigre de riz jusqu’à ce que la préparation soit lisse.

    Ajoutez les légumes dans le mélange et faites chauffer jusqu’à ébullition. A ébullition, filtrez le mélange pour retirer les légumes et remettez la sauce à chauffer jusqu’à ce qu’elle ait réduit d’un tiers environ. Elle devrait devenir plus épaisse.

    Divisez les légumes dans trois récipients et versez la préparation dans chacun des récipients. Les légumes doivent être globalement immergés.

    Servez une à deux cuillères à soupe sur un riz au curry, un bol de riz blanc ou en accompagnement d’une viande.

    Concombre dégorgé
    Légumes égoutés pour fukujinzuke
    Préparation pour fukujinzuke

    F.A.Q. sur la recette de Fukujinzuke

    Je n’ai pas trouvé un des 7 ingrédients.

    Pas de problème, il est possible de varier les légumes à condition qu’ils soient assez ferment pour tenir à la cuisson car le rendu doit être assez croquant. Pour cela, utilisez des carottes, des panais, de la courge butternut, du chou blanc ou de la courgette.

    Je ne trouve pas de racine de lotus proche de chez moi.

    La plupart des épiceries locales asiatiques en auront au rayon frais ou congelé. Si malgré tout vous ne trouvez pas votre bonheur, il est commun de la remplacer par la carotte, aussi sucrée et croquantes que le lotus.

    Comment intégrer de l’algue kombu dans son fukujinzuke ?

    Si vous souhaitez mettre de l’algue kombu dans votre fukujinzuke, plongez un morceau d’algue dans de l’eau tempérée 30 min avant la préparation. Une fois réhydratée, coupez la en petites lamelles et incorporez la au moment de la cuisson des aliments.

    Qu’est ce que le Rakkyô ?

    Il peut arriver que dans certaines régions, on vous serve du Rakkyô pour accompagner votre plat. Un peu moins populaire, le rakkyô est de l’échalotte ou de l’oignon mariné. C’est donc également un tsukemono qui peut accompagner votre plat.

    Comment conserver son fukujinzuke ?

    Etant mariné, le fukujinzuke se conserve assez bien au frais pendant environ 5 à 7 jours. Si vous suivez les indications de la recette, vous devriez en avoir une bonne quantité, aussi je vous recommande d’en congeler un partie. Je déconseille l’utilisation d’un bac à glaçon au profit d’un sac ou boite congélation directement. Enfin, le fukujinzuke peut accompagner une multitude de plat en dehors du curry japonais. Alors n’hésitez pas à glisser une cuillère ou deux avant de servir vos plats.

    Ressources:

    Article sur le Fukujinzuke sur le site Kotoba

    Voilà, c’était la recette du Fukujinzuke composé de 7 ingrédients et plus encore. N’hésites pas à me laisser un commentaire ci-dessous pour me partager tes idées, tes remarques ou me poser tes questions!

    Une faute ou un information manquante? N’hésites pas à m’écrire pour que je puisse rectifier cela. On est humain!

    Toi aussi, épices la vie de ton entourage en partageant cet article