Lorsqu’on parle de cuisine japonaise, on pense souvent aux sushis. Et pour cause, c’est par ce biais que la gastronomie de l’Est du monde s’est répandue. Il n’était donc pas surprenant que je me penche sur le sujet à un moment.
Donc si le sushi c’est pas un sushi, c’est quoi ? Une bouchée de riz vinaigré surmontée d’une fine tranche de poisson cru ? Vraiment ? En fait, ce que nous considérons comme le sushi moderne n’est qu’une facette d’un patrimoine culinaire bien plus ancien et varié. En effet, le terme « sushi » ne désigne pas un plat spécifique, mais une famille de préparations où le point commun est l’acidité du riz, obtenue par fermentation ou ajout de vinaigre. Ca te semble très large comme définition ? Je sais mais tu vas voir que le sushi a bien des formes.
À travers les siècles, le sushi a évolué d’un aliment de conservation à une délicatesse gastronomique. Aujourd’hui, il oscille entre tradition et modernité, se réinventant sans cesse tout en conservant un lien profond avec son histoire. On en parle tout de suite dans cet article.
Le sushi, un sushi?
Avant de commencer à m’étendre sur l’histoire du sushi, il convient de clarifier que le terme « sushi » se réfère littéralement à l’acidité ou au vinaigre. En effet, il a eu bien des visages et même dans l’histoire, les termes pour désigner ce que nous appelons un « sushi » aujourd’hui, se sont confondus. En fait, la plupart du temps, on mettait sous le terme Sushi toutes les préparations de « poisson macéré dans du sel et du riz et pressé d’un poids» (La science des sushis, Takahashi Jun, Sato Hidemi, Tsuchida Mitose).
Le Nare-zushi : une histoire de fermentation et de conservation
Les premières traces du sushi remontent au VIIIᵉ siècle avec le Nare-zushi, une méthode de conservation qui consiste à enrober du poisson salé de riz. Ce procédé favorise la fermentation lactique et permet de préserver le poisson pendant plusieurs mois. À l’époque, le riz ne se mangeait pas : il servait uniquement à enclencher la fermentation. Il était donc jeté une fois le poisson prêt à être consommé.
Cette technique a d’abord été utilisée pour conserver du poisson dans les régions proches des rivières et des lacs, notamment dans le Kansai. D’ailleurs, le Nare-zushi le plus célèbre est le Funa-zushi, préparé avec de la carpe et encore consommé aujourd’hui dans certaines régions du Japon.
Nama nare-zushi et sushi-meshi, une histoire qui évolue
Au XIVᵉ siècle, une évolution majeure se produit : le Nama nare-zushi. Désormais, on réduit le temps de fermentation afin que le riz puisse être consommé avec le poisson. Cet ajustement marque une transition vers un sushi moins conservé et plus frais.
C’est également à cette époque que l’on commence à utiliser du Koji (un ferment naturel) pour accélérer la fermentation du riz et développer des saveurs plus subtiles. Finalement, au XVIᵉ siècle, l’usage du vinaigre remplace progressivement la fermentation naturelle pour acidifier le riz : c’est la naissance du sushi-meshi (riz vinaigré), qui prépare le terrain pour le sushi tel que nous le connaissons aujourd’hui.
L’Histoire moderne du Sushi que tu le connais
De la conservation à la rapidité : le haya-zushi
L’évolution du sushi s’accélère tout au long de l’histoire avec l’essor des villes japonaises. En effet, à Edo (ancien Tôkyô), on recherche des plats rapides à consommer. C’est ainsi que naît le haya-zushi (« sushi rapide ») et le ichiya-zushi (« sushi d’un soir »), destinés à être mangés immédiatement plutôt que stockés.
Ces nouvelles formes de sushi se déclinent sous plusieurs variations, comme le Hako-zushi (sushi pressé dans une boîte en bois) ou le Sugata-zushi (où le poisson garde sa forme naturelle).
Le Nigiri-zushi : la star des comptoirs
Le véritable tournant dans l’histoire du sushi arrive au XIXᵉ siècle avec l’invention du nigiri-zushi, qui devient rapidement emblématique de la culture culinaire japonaise. Effectivement, ce sushi en bouchée se compose d’un petit monticule de riz vinaigré surmonté d’un filet de poisson, souvent maintenu par une fine bande d’algue.
À l’origine, les vendeurs ambulants (yatai) préparaient ces sushis pour être mangés sur le pouce. Comme les réfrigérateurs n’existaient pas encore, le poisson était souvent mariné, cuit ou salé pour préserver sa fraîcheur. Avec l’ouverture du Japon au commerce international, l’accès à de nouveaux ingrédients et à des techniques de conservation a contribué à la diversification du nigiri-zushi.
L’histoire du sushi, de la modernisation et la guerre
Après la Seconde Guerre mondiale, les yatai de sushi disparaissent progressivement pour des raisons d’hygiène et sont remplacés par des restaurants spécialisés. De plus, l’arrivée du réfrigérateur révolutionne la préparation du sushi. En effet, il devient possible d’utiliser du poisson cru sans risquer de problèmes de conservation.
C’est également à cette époque que le nigiri-zushi évolue :
- La portion de riz est réduite pour permettre de goûter plus de variétés
- Les marinades et sauces s’allègent pour laisser parler la saveur du poisson
- L’essor des Omakase (menu au choix du chef) transforme le sushi en une expérience gastronomique
Les principaux types de sushi
Aujourd’hui, le sushi se décline sous de nombreuses formes :
- Nigiri-zushi : une bouchée de riz vinaigré avec du poisson cru
- Maki-zushi : rouleaux de riz enrobés d’algue nori et garnis de poisson ou légumes
- Hako-zushi : sushi pressé dans un moule en bois
- Inari-zushi : riz vinaigré dans une poche de tofu frit
- Chirashi-zushi : bol de riz garni de poisson et d’ingrédients variés
La science et le choix des poissons et des coquillages
L’art du sushi repose sur une connaissance approfondie des poissons et de leur saisonnalité. En effet, tout comme les fruits et légumes, on choisit attentivement son poisson selon la période de l’année ou la saveur et la texture de la chair voulu. On distingue, entre autres :
- Poissons à chair blanche (Shiromi) : Daurade (Tai ou Kasugo), Cardeau ou carrelet (Hirame), Limande (Karei)
- Poissons à chair rouge (Akami) : Thon rouge (Ootoro, Chutoro, Akami, Zuke), Bonite
- Poissons bleus (Aozakana) : Maquereau (Saba), Sardine (Iwashi), Balaou du Japon (Sanma)
- Poissons dorés/argentés (Hikari mono) : Alose Noyer (Kohada), Chinchard (Aji), Maquereau espagnol (Saba), Merlan japonais (Kisu), Demi-bec du Japon (Sayori), Carangue rayée (Shima Aji)
- Coquillages (Kai) : Palourde (Honmirugai, Akagai, Kobashira, Hamaguri), Ormeau (Awabi), Coques (Torigai)
- Seiche et poulpe (Ika) : Seiche (Sumi Ika), Calamar récifal (Aori Ika), Poulpe (Tako)
- Crevette (Ebi) : Crevette douce (Ama ebi), Botan (Botan ebi), Impériale (Kuruma ebi), Mante (Shako)
- Autre : Œufs de saumon (Ikura), Oursin (Uni), Anguille de mer (Anago), Omelette roulée (Tamagoyaki maki)
La tradition n’empêche pas l’innovation
Si la tradition reste au cœur de la culture du sushi, les tendances modernes ont également influencé son évolution et son histoire. Par exemple, les chefs japonais jouent sur la maturation du poisson pour intensifier ses saveurs. Ils contribuent à faire évoluer l’histoire de ce plat si particulier au japon. A l’étranger, le sushi fusion connaît un grand succès avec l’ajout d’avocats et de sauces variées. Aussi, l’Omakase devient une expérience gastronomique où le chef décide des compositions selon les arrivages du jour. En optant pour ce menu, tu t’en remets aux choix du chef.
Le sushi a parcouru un long chemin, passant d’un aliment de conservation fermenté à une préparation raffinée qui célèbre la fraîcheur et l’équilibre des saveurs. En parcourant son histoire, on comprend bien pourquoi un sushi n’est pas un simple sushi. La réalité est bien plus complexe! Loin d’être figé dans le temps, il continue d’évoluer sous l’influence des techniques modernes et des tendances culinaires mondiales.
Que l’on préfère un nigiri-zushi traditionnel ou un maki-zushi revisité, une chose est sûre : le sushi est bien plus qu’un simple plat, c’est un véritable art en perpétuel renouvellement.
Pour continuer d’en apprendre plus sur la gastronomie japonaise, pourquoi ne pas consulter cet article sur le livre La science des sushis dont j’avais fait la chronique détaillée.
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Ressources: La science des sushis, Takahashi Jun, Sato Hidemi, Tsuchida Mitose